Envisagez-vous une offre de traitement par des cellules souches ?

Nous vous recommandons dans un premier temps de discuter de vos plans avec un éventail de personnes telles que votre médecin, des membres de votre famille, de votre équipe de soins et des groupes de défense ou de soutien aux patients présentant une affection similaire à la vôtre.

Le site Web de l’ISSCR, A closer look at stem cell treatments, fournit des renseignements centrés sur les patients qui peuvent vous aider à évaluer les divers traitements possibles.

L’information et les ressources disponibles sur le site comprennent :

En français:

En anglais:

  • Nine Things to Know about Stem Cell Treatments—ce qui est possible et impossible à l’heure actuelle

  • How Science Becomes Medicine—une description du processus requis pour mettre au point un nouveau traitement médical et les contrôles reconnus à l’échelle internationale pour protéger les droits et la sécurité des patients.

  • What to Ask—des questions à poser aux fournisseurs de soins pour en savoir plus sur les risques et les bienfaits possibles des traitements.

Le livret What you need to know about stem cell therapies contient d’autres renseignements (en anglais). Ce guide destiné aux patients a été publié en 2014 par l’Université de l’Alberta, l’Albany Medical College et le Réseau de cellules souches du Canada.

La transplantation de cellules souches sanguines pour traiter les maladies du sang et du système immunitaire ou reconstituer le système sanguin après certains traitements anticancéreux est la mieux établie et la plus commune des thérapies à base de cellules souches.

Les cellules souches de la peau sont utilisées depuis les années 80 pour faire pousser des greffons de peau destinés au traitement des brûlures graves et étendues.

Un nouveau traitement par cellules souches destiné à réparer les lésions de la cornée (la surface de l’œil) après une blessure telle qu’une brûlure chimique a reçu récemment l’autorisation de mise sur le marché en Europe.

Ces traitements sont actuellement les seules thérapies par cellules souches dont l’innocuité et l’efficacité ont été démontrées.

Notre fiche documentaire sur ce sujet contient plus de détails et aborde les futures perspectives dans ce domaine.

 

Vous et vos soignants avez le droit de demander des explications détaillées avant de prendre une décision concernant ce type de traitement ou d’avancer une somme d’argent à cet effet.

Voici cinq considérations importantes que nous vous recommandons de prendre en compte.

Cinq considérations importantes

Le site Web closerlookatstemcells.org (géré par la Société internationale de recherche sur les cellules souches) possède une excellente liste de questions (en anglais) pour vous aider à évaluer une option de traitement par des cellules souches et à prendre une décision éclairée.

Ces dernières années, on a vu grandir l’intérêt pour ce qu’on appelle le « tourisme » lié aux cellules souches - qui consiste à se rendre dans un pays étranger (souvent avec un membre de la famille ou un soignant) pour y recevoir un traitement vendu comme une thérapie par cellules souches, non offert dans le pays d’origine. Les effets cliniques de la plupart des traitements annoncés ne sont pas prouvés ou pas de manière rigoureuse, de même que leur innocuité et leur efficacité pour des affections particulières. La majorité des traitements vendus comme des « traitements par cellules souches » utilisent des cellules autologues prélevées puis réinjectées chez le patient pour favoriser la régénération. Certaines cliniques affirment aussi utiliser du sang de cordon ombilical, ou des cellules embryonnaires et fœtales provenant de donneurs, mais il est difficile de savoir ce qui est réellement administré aux receveurs et de le vérifier scientifiquement. Ces dernières années, l'Université de Melbourne a recueilli l'expérience d’Australiens ayant fait un voyage à l’étranger pour recevoir un traitement par cellules souches. Les participants à ce projet de recherche se sont rendus à l’étranger pour obtenir des traitements contre diverses affections, notamment des lésions de la moelle épinière, une infirmité motrice cérébrale, des maladies des neurones moteurs et la sclérose en plaques. La Chine, l'Inde, l'Allemagne, Israël, les Etats-Unis et le Panama font partie des destinations communes.

Une des premières destinations de choix en matière de tourisme cellulaire a été le tristement célèbre X-Cell Center ouvert à Cologne et à Düsseldorf, en Allemagne. Le centre a été fondé au début de 2007 par Cornelis Kleinbloesem, un entrepreneur hollandais diplômé en pharmacie et participant à des essais de recherche clinique. La création du X-Cell Center est intervenue après l’adoption du nouveau règlement établi par le gouvernement hollandais, qui, en 2006 a présenté un moratoire interdisant les traitements par cellules souches non prouvés et a élaboré de nouveaux règlements visant la différenciation des cellules souches et l’obligation de posséder un permis pour réaliser des greffes de cellules souches. Le nouveau règlement, entré en vigueur le 1er janvier 2007, a été préjudiciable aux intérêts commerciaux initiaux de Kleinbloesem, qui avait bénéficié d'une faille dans la loi allemande pour ouvrir la clinique du X-Cell Center, due à une période de transition avant l'entrée en vigueur des normes de conformité européennes.

Exploiter la médiatisation des cellules souches

Durant sa période d’activités (2007-2011), le X-Cell Center a traité des milliers de gens, presque tous originaires de pays étrangers. Une grande partie du succès du centre s’explique par sa capacité à miser sur l’espoir suscité par les cellules souches et à exploiter le battage médiatique entourant les traitements par cellules souches pour certaines des maladies les plus invalidantes. D’après le site Web du X-Cell Center, les traitements proposés visaient un large groupe de maladies comme le diabète, les accidents vasculaires cérébraux, les lésions de la moelle épinière, la sclérose en plaques, les maladies cardiovasculaires, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer, etc.

Le site Web présentait des récits de patients vantant les « miracles » accomplis par ces traitements, comme celui d'un ancien patient guéri du diabète[1]. Les méthodes de traitement y étaient décrites de façon plus ou moins détaillée, mais le niveau de risque encouru par les patients était difficile à évaluer en raison de leurs expériences différentes. Mais, en vendant des traitements à base de cellules souches et en déclarant que les cellules souches adultes ne posent pas de problème éthique pour le traitement et la recherche, la clinique cherchait à minimiser les risques liés aux traitements par des cellules souches autologues ».

Les expériences des patients du X-Cell Center

Un des facteurs clés du succès du X-Cell Center était la gestion de ses opérations. En louant des locaux dans des hôpitaux catholiques comme l'Hôpital Dominikus à Düsseldorf-Heerdt la clinique donnait l’impression d’offrir des traitement non controversés sur le plan éthique.

Les visiteurs, tout comme les patients, ont témoigné de l’opulence de l’aire de réception de la clinique et de la vente de traitements de qualité supérieure, à des prix allant de 3 000 à plus de 10 000 euros. Mais, l’un des principaux arguments de vente du centre était le label « Allemagne » attestant de la réputation internationale du pays quant à ses normes élevées en matière de soins et de fabrication. Comme l’a indiqué un participant à notre recherche, aller en Allemagne signifiait « se sentir rassuré au sujet de ce qui allait se produire comparativement à la même expérience dans [un pays du tiers monde] ». L'expérience du X-Cell Center était vendue comme un événement touristique. Un représentant du centre accueillait les patients à l’aéroport ou dans une gare de train, les accompagnait à la clinique et leur offrait les transferts aller-retour entre l'hôtel et la clinique.

Les cliniques comme celles du X-Cell Center exploitent la vulnérabilité et l’espoir des gens. Certains patients ont fait part de leurs soupçons au sujet du X-Cell Center. Un de ces patients raconte son expérience à la clinique :

 

Je suis entré dans la salle et il m'a semblé suspect qu’on me demande de payer immédiatement. Cela m’a paru étrange, mais d'un autre côté, je peux comprendre, car les gens se déplacent de l’étranger… et puis, l’intervention a eu lieu le lendemain.

 

Un autre patient raconte :

 

Une fois branché à la perfusion, avant l’injection des cellules souches, le directeur de l’établissement, un grand type costaud est arrivé et a dit « Oh, nous n'avons pas reçu de justificatif de paiement », je dois donc m'assurer que l'argent a été versé sur leur compte avant qu'on vous injecte les cellules. À mon retour en Australie, mon neurologue m'a envoyé chez un hématologue pour faire des prises de sang, et il m’a appris qu'il n'y avait aucune preuve que j'avais reçu une greffe de cellules souches.

 

Ces témoignages ne sont quelques exemples de l’expérience d'anciens patients; ils témoignent toutefois de la motivation pécuniaire du X-Cell Center, qui se préoccupait peu du bien-être des patients.

Des événements indésirables provoquent la fermeture du X-Cell Center

En 2010, le X-Cell Center fait l’objet d’une polémique de plus en plus virulente lorsqu’un garçon de 10 ans résidant en Azerbaïdjan présente une grave hémorragie cérébrale après l'injection de cellules souches dans le cerveau, et qu’un nourrisson italien de 18 mois décède de complications à la suite d’un traitement similaire. La survenue de ces deux événements conduit les organismes de réglementation allemands à fermer le X-Cell Center, des recherches menées par la suite révélant que les injections intra-crâniennes de cellules sanguines présentent plus d’effets négatifs que positifs et que ce traitement ne repose sur aucune donnée probante. La majorité des données relatives aux patients du X-Cell Center ont été obtenues à partir de questionnaires administrés par mail ou par téléphone et non par des méthodes scientifiques. Pour ces raisons, dès le début de 2011, le X-Cell Center reçoit pour consigne d’adhérer aux nouveaux règlements mis en place par l’Allemagne qui exigent des dispositions spéciales pour l’administration de thérapies continues. En raison des problèmes susmentionnés, le centre n’est pas en mesure de se conformer à ces exigences réglementaires et il dépose son bilan plus tard en 2011, les autorités allemandes ayant refusé de lui accorder une nouvelle autorisation pour transplanter des cellules souches.

Mais une autre clinique s’ouvre…

Peu après la fermeture du X-Cell Center, Cornelis Kleinbloesem ouvre une autre clinique de traitement par les cellules souches, à Beyrouth au Liban, appelée Cells4health. Son fonctionnement passe encore entre les mailles de la réglementation, et les traitements proposés sont les mêmes  que ceux vendus par le X-Cell Center, et ils sont facturés des milliers de dollars aux patients vulnérables. La clinique opère dans deux pays - les cellules autologues de la moelle osseuse du patient sont prélevées dans les installations de Beyrouth, puis traitées au Precious Cells laboratory du R-U. Elles sont ensuite renvoyées au Liban et injectées au patient. En dépit du manque de preuves tangibles pour étayer les activités de Kleinbloesem et face à l’ambiguïté ou au vide réglementaire dans ce domaine, il semblerait que la pression des patients ait permis dans ce cas la poursuite de ces activités préoccupantes et potentiellement risquées.

Leçons tirées de l’expérience du X-Cell Center

La polémique soulevée par le X-Cell Center  permet de tirer plusieurs enseignements. En premier lieu, il est nécessaire d’imposer des normes publicitaires qui limitent les allégations relatives à la santé portant sur des thérapies expérimentales comme les traitements à base de cellules souches autologues. En second lieu, le public a besoin de plus d'information sur les interventions utilisant des cellules souches - en particulier des cellules souches autologues - afin de limiter les risques pour le bien-être du patient. En troisième lieu, la réglementation peut servir d’outil pour fermer les établissements qui ont recours à des techniques médicales contestables. Enfin, la question du bannissement des frontières en matière de soins de santé, notamment pour les traitements expérimentaux qui exploitent la vulnérabilité des patients, relève-t-elle de l’exercice des droits de la personne ? Nous reviendrons sur ce point dans un autre article.

 

Notes et remerciements


« Bon, je ne peux pas être plus malade que je ne le suis déjà… le jeu en vaut la chandelle. Cela vaut le coup d’essayer… vous espérez avoir trouvé une solution »

Sylvia (nom fictif) fait partie du nombre croissant de patients qui cherchent à obtenir un traitement par des cellules souches pour traiter une maladie chronique invalidante et dont l’efficacité n’a pas été prouvée. En dépit du fort soutien au durcissement de la réglementation et de la surveillance, le marché des traitements par cellules souches non éprouvés semble croître. En Australie par exemple, en trois ans à peine, le nombre de cliniques privées proposant ce type de traitements est passé de deux à plus de quarante, ce qui représente une augmentation considérable.

Cet article vise à préciser le contexte sociopolitique de l'expérience des patients qui accèdent à des traitements n’ayant pas fait leurs preuves et de déterminer si l’accès à ces traitements relève des droits de la personne, en analysant la polémique soulevée par la méthode Stamina et l'activisme thérapeutique des patients en Italie.

La Fondation Stamina : des traitements cellulaires non prouvés au banc des tribunaux italiens

La méthode « Stamina » est un traitement à base de cellules souches, controversé et sans fondement scientifique, mis au point par Davide Vannoni (un professeur de psychologie) à partir des travaux de chercheurs ukrainiens et russes (Abbott, 2013). Cette méthode est censée transformer les cellules souches mésenchymateuses (CSM) de la moelle osseuse du patient en cellules souches neurales pour traiter des affections neurodégénératives. Vannoni créé la Fondation Stamina en vue de faciliter l’application de ce traitement, qui est administré en 2006 à plusieurs patients, d'abord d'une clinique de Turin, puis à San-Marino et dans d'autres villes, sans que son innocuité et son efficacité aient été établies, et sans l'approbation réglementaire des autorités italiennes. S’inspirant de l’exemple d'autres cliniques vendant des traitements par cellules souches, non éprouvés (par exemple le X-Cell Center), les témoignages de patients sur Internet deviennent un outil essentiel pour nourrir l'espoir d’autres patients désespérés et mécontents.

En 2009, à la suite de l’exposition médiatique de ces traitements « miraculeux », le magistrat turinois Raffaele Guariniello enquête sur les allégations de la Fondation Stamina et ordonne la suspension des traitements posant des risques pour la santé publique. La fermeture des installations locales contraint la Fondation à déménager à Trieste et de reprendre ses activités dans un hôpital public de Brescia. Les cliniciens ayant recours à la méthode Stamina (notamment chez de nombreux enfants) justifient son utilisation en invoquant la clause d'exemption hospitalière autorisée par la réglementation de l'UE pour les traitements non prouvés,et qui permet l’administration de traitements expérimentaux au cas par cas dans des conditions rigoureuses.

En mai 2012, une autre enquête est menée, cette fois par l’Agenzia Italiana del Farmaco (AIFA), l'Agence italienne du médicament et les autorités sanitaires (Carabinieri NAS). L’enquête de l'AIFA révèle certaines irrégularités :

  • Les approbations du comité d'éthique reposaient sur des données inadéquates.

  • Les cellules étaient préparées dans un laboratoire BPL prévu pour la manipulation de cellules souches hématopoïétiques destinées à la greffe (Bianco, 2013) et non pas dans un laboratoire BPF non restreint à la manipulation de cellules souches mésenchymateuses à usage clinique.

  • Il y avait des irrégularités dans l’entreposage des cellules confisquées par les autorités sanitaires et dans la documentation relative à ces cellules.

  • Il n'existait aucune donnée clinique publiée, aucun protocole d’utilisation détaillé ni de suivi des patients.

L’AIFA met donc fin aux activités du laboratoire, en interdisant le recours à la méthode Stamina.

A l’issue de cette interdiction, de nombreux citoyens mécontents de ne pas pouvoir bénéficier de ce traitement « miraculeux » contestent la valeur juridique de cette interdiction dans l'espoir d'obtenir le traitement pour eux-mêmes ou leurs enfants malades. Les défenseurs de la méthode Stamina organisent des manifestations dans toute l'Italie, comme la « March of the sick ». A Rome, des associations de patients déploient des banderoles, dont une proclamant :

Pretendiamo l’accesso alle cure compassionevoli con il metodo stamina / nous revendiquons l'accès à des soins de compassion au moyen de la méthode Stamina (traduction de l'auteur).

La thérapie Stamina suscite un vif intérêt dans les médias, comme par exemple l’émission satirique populaire Le Iene (Les hyènes); des célébrités et des politiciens manifestent leur soutien et réclament la levée de l’interdiction du traitement. Les détracteurs se montrent également actifs. Une lettre ouverte signée par 13 scientifiques étudiant les cellules souches tente d’attirer l’attention sur les préoccupations relatives à l’innocuité et à l'efficacité de ce traitement et met en garde le ministre italien de la Santé contre les dangers de faciliter l'accès à un traitement dont l’efficacité n’est pas prouvée.

Le 20 mai 2013, en réponse aux vives protestations de patients et de défenseurs de la cause Stamina, le Parlement italien, la Chambre des députés suivie par le Sénat, acceptent de lever l'interdiction et autorisent sous certaines conditions l'accès au traitement à titre humanitaire. Un essai clinique est financé à un coût de 3 millions d’euros. On autorise également la poursuite du traitement chez les 36 patients qui en bénéficiaient déjà à l'hôpital de Brescia, à condition que les cellules souches soient préparées selon les normes de bonnes pratiques de fabrication (Margottini, 2013a).

En juillet 2013, la nouvelle ministre de la Santé, Beatrice Lorenzin, oblige la Fondation Stamina à divulguer ses données scientifiques et ses protocoles de traitement en vue de leur examen par un comité d’experts scientifiques chargé d’évaluer si le traitement est suffisamment sûr et efficace avant de procéder à des essais cliniques (Margottini, 2013b). Le 12 septembre, le comité rejette les fondements scientifiques de la thérapie Stamina et interdit tout essai clinique. Les préoccupations portent sur le manque d’informations détaillées concernant la méthode de différenciation des CSM en cellules souches neurales et l’absence de contrôle de la qualité des cellules, conduisant à un manque de garanties et de preuves quant à l'efficacité du traitement (Margottini, 2013b). Après la remise en cause de l'impartialité du comité scientifique lors d’une seconde contestation judiciaire, un deuxième panel d’experts, convoqué en 2014, s’oppose de nouveau à la réalisation de l'essai clinique (Margottini, 2014). Cependant, malgré les réserves soulevées quant à l’absence de fondement scientifique de la thérapie Stamina et les allégations de fraude visant les personnes en faisant la promotion (Margottini, 2014), les patients s’efforcent d’obtenir le traitement jusqu'en mars 2015, date à laquelle le tribunal de Turin accorde à Davide Vannoni, reconnu coupable, une peine avec sursis à la condition qu’il renonce à traiter des patients.

 

Avis de la Cour européenne des droits de l'homme

European Court of Human rights

En mai 2014, une demande d'accès à la thérapie Stamina à titre humanitaire (Durisotto vs Italy no 62804/13) est déposée auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. M. Durisotto, un citoyen italien, est la recherche d’un traitement pour sa fille atteinte d’une maladie neurodégénérative (appelée leucodystrophie métachromatique) depuis l'adolescence. En avril 2013, à court d'options thérapeutiques, M. Durisotto adresse à la Cour une demande d’usage compassionnel de la thérapie Stamina pour sa fille (Rial-Sebbag et Blasimme, 2014). Ayant initialement accepté sa demande, la Cour revient sur sa décision à la suite de l'interdiction décrétée par le gouvernement. M. Durisotto fait appel auprès de la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment de l'Article 2 (droit à la vie), de l'Article 8 (droit au respect de la vie privée) et de l'Article 14 (droit de la non-discrimination) (Rial-Sebbag et Blasimme, 2014). L’affaire Durisotto vs Italy cherche donc à établir si l’on peut autoriser l'accès à une thérapie n’ayant pas fait ses preuves à des fins humanitaires, en vertu des principes de la Convention européenne des droits de l'homme (Rial-Sebbag et Blasimme, 2014).

S’appuyant sur les conclusions des comités scientifiques selon lesquelles le traitement manque de fondement scientifique, la Cour déclare la requête de M. Durisotto inadmissible et conclut qu’il n'est pas discriminatoire d’interdire l'accès à la méthode Stamina pour des raisons humanitaires, dans le but légitime de protéger la santé (ECHR, 2015).

Le droit à la vie

Depuis de nombreuses années, les défenseurs de la méthode Stamina revendiquent le concept du droit à la vie, et arborent souvent le slogan Sì a Stamina, sì alla vita/ Oui à Stamina, oui à la vie dans leur campagne pour l'accès à la thérapie par compassion.

Invoquer le discours sur les droits de la personne pour faciliter l'accès à des traitements expérimentaux dont l’efficacité n’a pas été prouvée n'a rien de nouveau. Aux Etats-Unis, durant les années 80, le militant anti-VIH/sida, Ron Woodroof, a fait appel au même argument afin de tenter d’obtenir un traitement expérimental par la zidovudine (AZT) et de modifier les règlements de la FDA régissant l'accès aux médicaments anti-VIH expérimentaux - une expérience immortalisée dans le film Dallas Buyers Club. Plus récemment aux Etats-Unis, le mouvement « right to try » a tenté d’instituer des principes démocratiques dans les lois étatiques, afin d’imposer l'accès aux traitements expérimentaux exempts de fondement scientifique dans le but de promouvoir des changements constitutionnels (Adriance, 2014). La lutte pour faire reconnaître « un droit à l'essai » se transforme en un mouvement politique qui vise non seulement à prolonger l'accès aux médicaments qui sauvent des vies comme le brincidofovir, un antiviral contre Ebola mis au point par Chimerix, mais aussi à demander une révision des procédures de la FDA, comme celles qui ant un accès rapide aux pharmacothérapies salvatrices et la participation accrue des patients aux essais cliniques. Ces questions sont abordées dans le 21st Century Cures Act, actuellement à l'étude (Adriance, 2014).

Le débat sur l'accès des patients à des traitements non testés et dont l’efficacité n’est pas prouvée donne un sens politique à la question des droits de l'homme. En d’autres termes, ce discours devient une tactique politique visant à promouvoir des droits mal définis au regard de la loi en raison de positions morales et éthiques particulières. Les patients, leurs familles et amis invoquent le droit à la vie pour obtenir l'accès à des traitements expérimentaux non prouvés, à titre humanitaire. Mais, comme le proclame la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à la protection de la vie, qui vise à maintenir une séparation appropriée entre les droits légaux et moraux, doit être pris en compte. Cet exemple de politique de vie montre de quelle façon les choix politiques et les économies morales des sociétés contemporaines façonnent la vie et sont façonnées par elle (Fassin, 2009:49). La politique de vie met l’accent sur le sens et les valeurs que nous donnons à la vie, plutôt qu’au pouvoir sur la vie en déterminant les conditions de vie d’une personne (Fassin, 2009:49).

L'accès des patients à des traitements par des cellules souches dont la valeur thérapeutique n’est pas prouvée représente un enjeu lié aux droits de la personne, mais comme l’illustre l’affaire Stamina, on peut contester la nature de ces droits. Les patients peuvent invoquer les droits de l'homme pour accéder à ce type de traitements. Mais, il nous incombe de faire respecter les droits de la personne et de ne pas causer de tort. Nous devons prendre le temps nécessaire pour améliorer la technologie des cellules souches et les traitements expérimentaux et apporter la preuve de leur efficacité avant d’autoriser leur accès à grande échelle, et incontestablement avant leur mise en marché.

Références

Remerciements

Cet article composite a été rédigé principalement par Megan Munsie et Casimir McGregor, de l’Université de Melbourne. Il a été édité par Kate Doherty et Jan Barfoot et révisé par Phil Rossall, directeur de recherche (Knowledge Management) à Age UK et titulaire d’une bourse, à l’Université d’Edinburgh (Knowledge Exchange).